[ANR Innox] « Produire la prédiction: le travail de la modélisation pour l’évaluation des risques »
Journée d’études organisée par le Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés (LISIS) dans le cadre du projet ANR INNOX
Lundi 19 juin 2017 – 9h30/17h45
Salle de conférence de l’ISCC, 20 rue Berbier-du-Mets, 75013 Paris
Cadrage de la journée d’étude
Faire tourner un modèle pour obtenir une estimation de la toxicité d’un produit prend quelques secondes seulement. De nombreux outils logiciels aujourd’hui permettent en effet de trouver une estimation de la toxicité à partir d’un modèle de ‘Quantitative Structure-Activity Relationship’, tel le logiciel EPIWIN de l’agence environnementale américaine. Des outils sont disponibles aujourd’hui pour composer et faire tourner en quelques heures un modèle générique de ‘Physiologically-Based Pharmaco-Kinetics’, pour estimer une dose interne au corps humain d’un produit chimique donné, en remplacement des données expérimentales animales et de facteurs de sécurité. On peut simuler une population humaine exposée à un produit chimique donné, comme le proposent les plateformes Merlin-expo, ou le programme PopGen (virtual population generator).
Pour autant, produire une prédiction crédible implique un travail aussi fastidieux que répétitif. Comme le note un data scientist à propos d’un autre type de modélisation, “Machine learning is not a one-shot process of building a dataset and running a learner, but rather an iterative process of running the learner, analyzing the results, modifying the data and/or the learner, and repeating.” (P. Domingos, cité dans Mackenzie A., 2015, ‘The Production of Prediction: What Does Machine Learning Want?’ European Journal of Cultural Studies 18 (4–5): 429–45.) De même manière, tant en modélisation pharmacocinétique qu’en structure–activité ou encore en matière de modélisation de données in vitro, modéliser c’est: théoriser le fonctionnement d’un système, puis produire, rassembler, nettoyer les données nécessaires pour le simuler, mais aussi choisir, concevoir et régler les outils logiciels permettant de faire ces simulations, paramétrer, calibrer, confirmer, évaluer le modèle, très souvent également travailler à l’harmonisation des données, outils et paramètres — puis recommencer en fonction des résultats et des demandes. Ce travail n’est pas autonome : il est fait de manière collaborative, parfois concurrentielle sur divers modèles par différents groupes de modélisateurs.
En somme, un modèle est le produit d’un travail particulièrement long de crédibilisation. Ce travail explique que dans certains cas, on considère qu’il n’est pas plus avantageux de modéliser qu’expérimenter. Il explique aussi que s’écoule fréquemment vingt ans entre les premières tentatives de formalisation d’une technique de modélisation, et son utilisation en routine pour l’évaluation des risques. Le contexte de l’action publique, l’utilisation de modèles pour produire des évaluations de danger ou de risque, ne fait d’ailleurs que donner plus de poids et d’ampleur à ce travail, parce que la visée de la décision publique renforce les épreuves de crédibilité auxquelles sont soumis les modèles. Les techniques de modélisation mobilisées dans l’action publique sont même probablement soumis à plus de demandes de vérification, d’évaluation, de confirmation, à des impératifs plus forts encore de transparence, de minimisation des incertitudes, ainsi que de ‘user-friendliness’. Bien plus qu’un lieu d’application ou d’utilisation des modèles, l’action publique est un espace de production de la prédiction, qui en influence et fait évoluer les formes, les contenus, les outils.
Cette journée d’études se focalise sur une série de techniques de modélisation de la toxicité des produits chimiques aujourd’hui utilisés dans l’action publique. Elle questionne la manière dont l’action publique, ses institutions, ses processus de décision, ses réseaux d’acteurs, ses controverses, fonctionnent comme autant d’épreuves de la valeur des données et des modèles, et la manière dont on parvient à produire une prédiction crédible dans cet espace.
Objectif et organisation de la journée d’étude
La journée d’étude vise à mettre en discussion les résultats d’enquête de chercheurs en sciences sociales ayant étudié des pratiques de modélisation et questionnant leur mise en application dans l’action publique, et notamment la manière dont la modélisation devient une pratique crédible pour évaluer les risques sur lesquels celle-ci porte.
Le principe de la journée d’étude est de favoriser une discussion entre chercheurs en sciences sociales, en tant qu’observateurs de la modélisation, et les praticiens de la modélisation. La journée d’études devrait idéalement permettre aux sociologues de restituer les résultats des enquêtes aux praticiens et utilisateurs des modèles. Inversement, la discussion de ces résultats avec les praticiens doit permettre pour les sociologues de tester ces résultats et potentiellement d’améliorer ou préciser les analyses.
La journée s’organise autour de trois sessions, sur la modélisation de l’exposition, la modélisation QSAR et la modélisation pharmacocinétique/toxicocinétique, notamment les modèles PBPK. Chaque session débutera par la présentation de résultats d’enquêtes, suivie par des réactions et une discussion ouverte, dans un format type table-ronde. Les documents support des présentations circuleront quelques jours avant le 19 juin.
Programme
9h |
Accueil |
9h30 |
Introduction à la journée d’étude — David Demortain (LISIS) |
10h-10h45 |
Modèles d’exposition et évaluation des pesticides — Jean-Noël Jouzel (CSO) |
10h45-11h30 |
Discussion sur les modèles d’exposition — avec Amélie Crepet (ANSES), Sylvain Parasie (LISIS), François Dedieu (LISIS) |
11h30-11h45 | Pause-café |
11h45-12h45 |
Modélisation QSAR et régulation flexible des produits chimiques — Brice Laurent (CSI) et François Thoreau (SPIRALE) |
12h45-14h |
Déjeuner – Restaurant Jolis Mômes, 29 Boulevard Arago 75013 Paris |
14h-14h45 |
Economie de la prédiction : les outils logiciels pour QSAR et read-across — Henri Boullier (CERMES) et David Demortain (LISIS) |
14h45-15h30 |
Discussion sur la modélisation QSAR — avec François Busquet (CAAT), Bob Diderich (OCDE), Nathalie Printemps (ANSES) |
15h30-15h45 | Pause-café |
15h45-16h30 |
Modèles pharmacocinétiques et évaluation des risques — David Demortain |
16h30-17h15 |
Discussion sur les modèles pharmacocinétiques — avec Paul Quindroit (INERIS-METO) et Laurent Bodin (ANSES) |
17h15-17h45 |
Discussion finale et conclusion de la journée d’étude |
La participation est sur invitation ou suggestion auprès de l’organisateur.
Contact : David Demortain, demortain@inra-ifris.org, +33 6 69 72 58 82